homme énervé devant son ordinateur UX bullshit

L'UX design bullshit avec les offres d'emploi

Cela fait 2-3 ans que l’UX design est sur toutes les lèvres : ce mot est utilisé à tort et à travers et fait beaucoup de mal aux personnes du métier. Les recruteurs, les clients, les UX designers… tout le monde se perd car nous ne parlons pas le même langage. Dans ce premier article, je vous propose de décrypter rapidement ce qui fait qu’une offre d’emploi pour un UX designer est “bullshit”.

La recherche utilisateur n’est jamais mentionnée

La base de l’UX design est d’inclure les utilisateurs dans la démarche. Même si l’entreprise qui poste l’annonce a choisi de créer un poste UX research (personne chargée de recueillir les retours utilisateurs) et UX designer (personne qui conçoit l’interface) séparés, les deux sont étroitement liés. Il n’y a pas d’UX s’il n’y a pas d’utilisateurs dans le projet.

Exemple :

UX/UI designer H/F : […]

  • Identifier, construire et développer les parcours utilisateurs
  • Réaliser des benchmarks, analyses & recommandations
  • Participer à la conception de fonctionnalités
  • Designer de nouvelles interfaces et améliorer les interfaces existantes
  • Accompagner les différentes équipes pour assurer le suivi qualité
  • Implémenter des features spécifiées par le Product Owner
  • Participer à la mise en place de l’architecture Front-end
  • Être force de proposition et participer à l’évolution technologique du Front-end
  • Respecter les bonnes pratiques de code Front-end […]”

Dans cette fiche de poste, l’utilisateur n’est pas sollicité dans la démarche et l’UX est considéré comme un exécutant technique qui va se baser sur des suppositions. Le risque de cette démarche est d’être complètement à côté de ce dont l’utilisateur a besoin.

On recherche un graphiste amélioré

Il arrive souvent que l’on voit des annonces pour des graphistes ou webdesigner où il est mentionné UX (souvent UX/UI aussi). Quand on lit le contenu de l’annonce, on peut facilement voir que la démarche UX n’est pas le coeur du métier et qu’on a rajouté UX pour faire joli.

Exemple :

Graphiste Web / UX-UI designer : […] Vous travaillez étroitement avec la responsable du site web pour améliorer notre tunnel de conversion en définissant et en intégrant de nouvelles pistes UX afin d’optimiser nos parcours sur tous les terminaux (desktop, mobile, tablette)[…]”

“de nouvelles pistes UX” ? On peut déchiffrer l’intention de vouloir réaliser une interface ergonomique. Cependant, la démarche UX et ergonomique ne sont pas mentionnées : mettre l’utilisateur au coeur de la conception. Ce qui est exprimé dans cette annonce est le fait que l’UX designer réalise une interface avec son “bon sens”. Seulement, quand on conçoit, on ne peut pas se mettre à la place de l’utilisateur. Cela se vérifie d’ailleurs lorsque l’on rencontre les utilisateurs dans notre démarche. Il arrive très fréquemment que l’on soit surpris de leur réaction.

Les compétences sont réduites à la maîtrise des logiciels

Les compétences sont des savoir-faire. Ceux-ci sont parfois réduits à la maîtrise de logiciels. Les logiciels ne sont que des outils qui permettent de mettre en oeuvre des compétences. Par exemple, la compétence d’un UX pourrait être “maquettage” avec des outils tels que Sketch, Adobe XD, etc… ou bien encore “récolter les avis utilisateurs” avec les outils entretiens utilisateurs, focus groups, etc…

Exemple :

UX/UI designer H/F : […]

  • Maîtrise des technologies web (CSS3, HTML5, JavaScript, Bootstrap, jQuery, Angular…)
  • Maîtrise des outils de conception tels que Photoshop, Illustrator, Sketch
  • Maîtrise des outils de développements tels Visual Studio
  • Système de gestion des versions (TFS)
  • Méthodes de gestion de projet (Agile, Scrum)
  • Bon niveau de compréhension orale et écrite en Anglais (capacité à suivre une formation Pluralsight par exemple)
  • Connaissance de l’asp.net WebForm serait un plus […]”

L’annonce postée fait plutôt référence à un profil graphiste/intégrateur. Un UX designer peut avoir une casquette plus intégration mais ne doit pas se résumer à cela. Il doit avoir une démarche globale avec les utilisateurs et ne pas se contenter de concevoir une interface tout seul dans son coin.

UX design = maquettes

Il existe des entreprises qui disent faire de l’UX design car elles passent par la case wireframe avant de développer l’interface. Très souvent, l’UX design est réduit à cette étape du processus. Vous pourrez avoir plus d’informations dans mon article précédent.

Exemple :

“Stage Chef de projet UI / UX :

[…] Vous serez responsable de l’aspect visuel des interfaces de xxx, en création ou en amélioration continue : concevoir et valider les maquettes des interfaces de xxx, puis assurer le suivi de leur mise en œuvre par les développeurs. […]”

Dans cette annonce, la seule mission du stagiaire sera de produire des maquettes graphiques et de les fournir aux développeurs. Il n’est pas mentionné l’utilisateur, les parcours, les ateliers, etc…

Mettre “UX design” car c’est à la mode sans savoir ce que c’est

On voit beaucoup d’annonces avec un ajout “UX” à la fin du titre comme par exemple “chef de projet UX”, “graphiste UX”, “Product Owner UX” etc… Il semblerait que les personnes ayant rédigé ces annonces aient envie d’avoir ce qu’on appelait il y a quelques années “une interface sexy” : une interface qui soit facile à utiliser et faite à partir du bon sens du concepteur.

Exemple :

Chef de projet UI/UX designer :

[…] Compétences :

– Maitriser l’UI/UX Design

– Avoir des notions en HTML 5 et CSS 3

– Notion en gestion de projet […]”

Dans cette annonce, le poste est vraiment très général et la démarche UX n’est pas ce qui importe dans le poste mais plutôt la capacité à pouvoir concevoir une interface de façon simple.

Pour conclure, je trouve cela dommage que les recruteurs ne fassent pas plus de recherches sur le métier d’UX designer avant de poster ces annonces. Cela créé de la confusion sur le métier et accroît encore plus l’incompréhension quant à notre travail.


Mes derniers articles


Si vous aimez cet article, partagez-le :
Comments
  • rouhier dit :

    Merci pour ces explications, J’avais une très mince idée du travail d’un UX designer.

  • Effectivement, beaucoup d’entreprises pensent faire de l’UX design sans même en connaître le métier et les principales méthodes. Mais il ne faut pas oublier que les candidats eux aussi ont leurs parts de responsabilité, ajouter sur le CV « UX design » pour faire joli.

  • lega dit :

    Je suis tellement d’accord avec toi sur les offres d’emploi. Je me suis retrouvée à faire de l’intégration alors que mon niveau était clairement pas bon…Parfois, la boîte est structurée d’une façon ou rencontrer les utilisateurs est difficile, ou on te demande des wireframes que tu fais rapidement tester à tes collègues ou ta famille… (Pas le temps, envie d’aller vite, ça coute cher, la pression d’avoir un truc à montrer rapidement etc…)
    Dernièrement, je suis allée sur le terrain au contact de mes utilisateurs… c’était génial ! ça a été long…

  • Maria dit :

    Merci Carole de clarifier la situation, elle fait lien avec l’article du blog iergo je trouve. Ça reflète bien le bazar et l’incompréhension totale de la démarche centrée utilisateur.

    Actuellement chez un “grand compte” pour de l’UX Research, je m’aperçois que – même avec un pôle UX research – les UX designer (qui sont donc à part de ce pôle) font beaucoup de wireframes et que les études faites avec les utilisateurs ne sont là que pour valider des pistes graphiques. On a entrepris de faire beaucoup de politique en interne afin de re expliquer ce qu’est l’UX dans sa globalité. Ils doivent encore recruter en interne des “UX”, ton article va beaucoup m’aider !

    • Carole dit :

      Merci Maria. Oui totalement, il faut continuer à expliquer notre métier pour qu’il évolue dans le bon sens ! 😉

  • BEN BRAHIM dit :

    Merci pour cet article 🙂

  • Guillaume dit :

    Merci pour cet article qui pose les choses.
    Il faut sûrement expliquer à ces recruteurs que faire de l’UX sans la méthodo,, c’est comme changer un pneu de voiture crevé par une roue de secours…. Ça dépanne mais ça ne vous permet pas d’aller au bout du voyage en tte sécurité et encore moins à vive allure. (Pas sûr que ce soit la meilleure métaphore… je vais en chercher une plus universelle).

  • Cyril DSP dit :

    C’est la triste réalité !

  • mady dit :

    Un vrai plaisir de lire ce genre d’article quand on fait soi même ce métier et qu’on est confronté régulièrement à ce genre de propositions. Seulement j’ai l’impression que le problème n’est pas aussi simple et que la solution ne repose surement pas sur la seule capacité des recruteurs à cerner ce métier. Le bullshit qui entoure ce job il vient aussi des gens qui se disent l’être.
    Enormément de gens qui se sont auto proclamé UX designer sans vraiment en avoir la légitimité on également participer à une sorte de glissement de terrain. Sans parler des cours en ligne et autres hackathon qui sont sensés vous apprendre ce job en un temps record.
    Tout comme une personne qui aurait besoin d’un chirurgien pour une opération ne confirait pas son corps entre les mains de quelqu’un qui “se dit” chirurgien un recrutement sur un métier devrait également faire preuve de sélection. A mesure que ce métier mature il deviendra peu être nécessaire de fixer des choses à l’entrée. Non, tout le monde ne peut pas être designer.

  • Mady dit :

    Aussi le soucis ce sont souvient les étiquettes qui sont en France plutôt difficile à mettre ou à enlever.
    Un UX designer qui ne fait pas de maquette mais réalise que de la recherche est aux US, par exemple, appelé “UX researcher” ou “UX analyst”. Comme le fameux UX-UI est soit “webdesigner “ou “Designer produit” en fonction du type de projets de l’entreprise.

    Ce sujet est intéressant mais mériterait d’être creuser pour identifier réellement les causes et on retombera probablement sur : c’est quoi l’UX design et en faisant ça … on se confronte à plein d’avis différents. C’est donc pas si simple.

    • Carole dit :

      En France aussi nous commençons à avoir des hyper spécialisations dans le métier d’UX (UX researcher, strategist…). 🙂 Justement, je m’intéresse depuis un moment à la question de c’est quoi au final être UX ? Comment peut-on le définir ? Quels sont les pré-requis pour pouvoir le mettre sur son CV ? C’est un article que je suis en train de mûrir depuis un moment mais qui va finir par sortir 😀

  • mady dit :

    Oui, ça commence doucement ! enfin ! après entre le nom de job sur une fiche de poste et la réalité opérationnelle souvent il y a un décalage malheureusement. En tout cas, hâte de lire l’article que tu nous prépare sur ce vaste sujet !

  • Phra sandrine dit :

    Apparemment, rien n’a changé 2 ans et demi plus tard !
    Étant UX junior à la recherche d’un emploi, j’ai écumé les jobboard et annonces, j’ai retrouvé dans chaque annonce tout ce que vous avez décrit. C’est franchement désespérant, navrant voire même décourageant.

    Merci en tout cas pour cet article !

    • Carole dit :

      Merci pour votre commentaire. Oui c’est assez compliqué de faire le tri dans les annonces. Après parfois, quand on va en entretien, on peut discuter avec la personne pour lui expliquer notre vrai métier et on peut avoir de bonnes surprises et tomber sur des personnes intéressées pour mettre en place notre démarche. Mais il est vrai que souvent, on est plutôt face à des personnes qui souhaitent embaucher des “exécutants”… Bon courage dans votre recherche ! Vous allez trouver votre bonheur mais il faut être patient·e !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Je n'ai pas pu confirmer ton inscription.
Ton inscription est confirmée.

Newsletter

Recevoir de nouvelles inspirations sur la facilitation, le design et les méthodes de travail ludiques !